Histoire

L’histoire de la lingerie française met en lumière l’évolution du regard porté, à chaque époque, sur la femme. Elle est jalonnée de conquêtes féminines, de visions industrielles, d’innovations, de belles matières, de minutie artisanale, de talents, de créations, de modèles, d’audaces, de métamorphoses sociales, de savoir-faire, d’excellence, de séduction, d’élégance, de raffinement...

1850

A la mi-chemin du siècle du Romantisme, la France se relève de la révolution de 1848. Le second Empire chasse la restauration. Gustave Flaubert raconte comment Madame Bovary se ruine pour être à la mode de Paris.

Sous les robes à crinoline, le pantalon féminin se généralise tandis que Worth invente la haute-couture et habille l’impératrice Eugénie.

1880

Trente ans plus tard, l’école laïque devient obligatoire. Les premiers lycées et collèges pour jeunes filles sont bâtis. Les tailleurs pour dames font leur apparition. Paris se dévergonde au music-hall et applaudit les danseuses de frou-frou. Les robes de mariées blanches, longtemps restées l’apanage des villes, conquièrent les campagnes.

Le corset s’impose et cuirasse le corps féminin. Il est également de plus en plus critiqué par les hygiénistes. Louis Neyron le sait et fonde, en 1884, la Maison Rasurel pour développer le concept de sous-vêtements de santé, mis au point par le Dr Rasurel. Entre temps, Monsieur Gamichon  fonde Chantelle et créé le premier tissu élastique pour les corsets. De son côté, le Docteur Bernard s’apprête à créer la société que l’on rebaptisera, des décennies plus tard, Aubade. Stéphane Gerbe, héritier du commerce de mercerie et de bonneterie de son père, décide de fabriquer lui-même ses articles.

1900

Au début du siècle, assis sur les chaises Thonnet, on se plaît à raconter que la récente Tour Eiffel représente une jambe de femme gainée d’un bas résille, et que ses quatre piliers sont les attaches du porte-jarretelles.

Les stations de métro de Guimard sortent de terre. La ligne est en S. La mode est à la courbe. Paul Poiret entre chez Worth en 1901. Les jarretelles succèdent à la jarretière. Les bas demeurent noirs.

1910

Le cinéma muet entre dans la capitale, alors que les ballets russes oscillent entre scandales et succès. Paul Poiret bannit le corset au profit d’une ceinture intérieure pour ses robes Empire. Les plissés légendaires de Mariano Fortuny apparaissent.

La femme remplace, de plus en plus, le corset par une ceinture élastique. Les ressorts caoutchoutés remplacent les baleines des corsets.

Bandeaux et brassières aplatissent la poitrine. Le mot soutien-gorge entre dans le dictionnaire. En 1913, un soutien-gorge séparant les deux seins est inventé. Au même moment, un soutien-gorge composé de deux triangles croisés devant et dans le dos est lancé. Les premiers soutiens-gorge sont en lin avant d'être fabriqués, à partir des années vingt, en soie, mousseline ou en batiste.

1920

La première guerre mondiale referme pour de bon ce dix-neuvième siècle qui ne sait pas tirer sa révérence. Les années vingt tentent de faire oublier le conflit. On danse le charleston. Le jazz s’invite à l’improviste. Les surréalistes publient leur premier manifeste. Les thèses freudiennes envahissent les esprits. L’époque sonne le coup d’envoi des arts décoratifs.

À la recherche de mouvements sans entrave, la femme complète sa silhouette par des cheveux courts. Le soutien-gorge aplatisseur pour buste plat, la combinaison-culotte flottante et les bas en soie couleur chair et argentée font les beaux jours des garçonnes.

1930

Dans les années trente, la trop sensuelle Marlène Dietrich, dans L’Ange bleu, en corset, bas noirs et porte-jarretelles, pousse la censure hollywoodienne à interdire de montrer les femmes en train d’enlever leurs bas. Culottes et petites culottes fermées ont remplacé les pantalons ouverts d‘avant-guerre.

Le système des tailles des bonnets de soutien-gorge est mis au point. La robe longue et la coupe en biais s’imposent. La silhouette néoclassique est réinventée. Le buste, "menteur comme un soutien-gorge", connaît un renouveau. Le nylon est inventé. Le mot slip fait son chemin.

Les premiers "soutiens-gorge à la Gaby" de Maison Lejaby se fabriquent déjà dans l’arrière salle du cinéma de Bellegarde, près de Lyon, sous l’œil de Gabrielle Viannay. Mademoiselle Simone Pérèle obtient en 1935 son diplôme de corsetière.

1945

Épuisée par la seconde guerre mondiale, la France se relève peu à peu. Les Françaises obtiennent le droit de vote. Simone de Beauvoir est saluée pour Le Deuxième Sexe. Le new-look voit le jour.

La gaine Chantelle s’y glisse en fuselant les hanches avec douceur et légèreté. Le sein se porte haut, la taille est de guêpe et la jupe corolle. La vogue du jupon décolle tandis que s’invente la guêpière. Le bikini est lancé.

Simone Pérèle se singularise par la prise en compte de critères esthétiques en créant des soutiens-gorge en satin, coupés puis assemblés dans l’atelier de la rue Montyon.

André Faller est depuis quelques années le pygmalion de Lucienne, avec laquelle il a créé la société Lou. L’allure et le confort sont associés avec une armature que l’on sent à peine. Lou compte alors déjà parmi les leaders de la corseterie française.

Empreinte signe son plus célèbre lancement : celui des soutiens-gorge en profondeur de bonnet, avec un "effet lifting révolutionnaire".

1955

Brigitte Bardot attise tous les fantasmes tandis que de l’autre côté de l’Atlantique, Marylin Monroe laisse le souffle impudique du métro New Yorkais révéler ses jambes à une Amérique encore puritaine.

Le tailleur de Gabrielle Chanel affronte le new-look de Christian Dior. La nuisette, la chemise de nuit baby doll, le lycra entrent en scène.

Toujours à l’avant-garde, Maison Lejaby négocie soixante exclusivités de la fibre lycra en France. Les talons aiguilles se portent avec des bas sans couture. Les trois profondeurs A, B et C annoncent déjà les bonnets D, puis E, que Mesdames Tardivelle et Haug mettront au point.

Simone Pérèle crée, à cette époque, des dizaines de modèles de soutiens-gorge dont la durée de vie atteindra jusqu’à vingt ans. En mariant confort et esthétisme, elle lance le soutien-gorge à pinces dit "Soleil" ainsi que le "Sole Moi", premier soutien-gorge en lycra. Lou impose ses premiers dessous en tissus imprimé, avec de l’élasthanne extrêmement souple, puis le "Pantylou" invisible sous le pantalon.

1965

Les baby-boomers déferlent avec les Beatles, les Rolling Stone, le mannequin-brindille Twiggy, la pilule contraceptive, Mai 68… Tous convergent vers un rendez-vous générationnel sans précédent : Woodstock.

Yves Saint Laurent dessine son célèbre smoking. Les premières minijupes arrivent. Les collants connaissent leurs premiers succès. Le ton chair se démode. Les panties sont adoptées par la nouvelle génération.

 A l’orée de la naissance du prêt-à-porter, Chantelle dessine des soutiens-gorge ultra-féminins en les parsemant de détails "mode". Empreinte lance le premier soutien-gorge sans bretelle.

1970

Les années soixante-dix sont synonymes de conquêtes de nouveaux droits par les femmes. Le film Emmanuelle symbolise la vague du cinéma érotique. Une nouvelle génération de couturiers s’affirme.

Le pantalon est désormais entré dans les mœurs tandis que le panty est délaissé. Le tee-shirt tire son épingle du jeu en devenant alternativement dessous ou dessus. Les sous-vêtements laissent place au corps en le dévoilant toujours plus : slip taille basse, bonnets de soutien-gorge préformés, transparents, voire absents.

Dix ans après la création de "Soleil" par Simone Pérèle, le modèle "Pétale", dépouillé, sans dentelle, devient la seconde locomotive de la marque, et la maison lance parmi les premières parures du marché, le "Papillon". Les fameux Filet de Lou et V de Lou épousent les envies des femmes en quête de liberté.

Chantelle signe son premier soutien-gorge moulé qui offre une poitrine enfin naturelle et parfaitement tenue. Le modèle "Fête" devient un best-seller pour la maison. Maison Lejaby s’implique dans le mouvement de libération des femmes : la ligne Liberty s’affiche comme une véritable révolution, puisque sans armature et ponctuée par six coloris acidulés.

Aubade lance le premier soutien-gorge dos nu, puis enchaîne les créations destinées à permettre aux femmes de taquiner les hommes : l’Agrafe Cœur, le Tanga.

1980

Les années quatre-vingt inaugurent le culte du corps, l’arrivée du high-tech, et l’émergence de nouvelles idoles. Avec Like a virgin, Madonna tient tête à Michael Jackson qui déjà change de visage.

Les superwomen sont là. Paddings, caleçons, body et robes moulantes envahissent les vitrines des nouvelles enseignes de prêt-à-porter. Le soutien-gorge souffle ses cent bougies. Le lycra se faufile partout. La lingerie de charme emprunte la voie ouverte par le caraco, le string, la guêpière et les porte-jarretelles.

La ligne Rio de Lou incarne l’art de l’élégant décalage et de l’insouciante élégance. Chantelle propose aux femmes actives un "maintien de charme". 

1990

Lèvres siliconées, liposuccion et top modèles font la une des années quatre-vingt-dix. Les parfums envahissent les maisons de mode. Les marques internationales explosent. Une génération d’enfants terribles de la mode apporte un nouveau souffle à la haute couture.

Le Wonderbra remporte la palme de la catégorie soutiens-gorge pigeonnants. Les ampliformes montent sur le podium. Les collants remonte-fesses se répandent. Le soutien-gorge en microfibre "Amelia" de Simone Pérèle est un succès. Les modèles moulés donnant une poitrine naturelle deviennent les must de ses collections.

La maille microfibre réussit son entrée chez Chantelle avec Essensia. Nuage de Maison Lejaby exploite elle aussi cette matière alors très nouvelle. Avec Divine, Chantelle affirme sa maîtrise de l’innovation dans les modèles à coques et s’internationalise en devenant la première marque de lingerie française haut de gamme dans le monde. La saga des "Leçons de séduction" d’Aubade débute et annonce le prêt-à-séduire.

2000

A partir des années deux mille, les talons connaissent toutes les hauteurs. Le styletto établit un record. Robes combinaisons, superpositions se marient avec transparence et tatouages. L’ère est aux excès. Le monde de la nuit l’emporte sur la clarté du jour.

La microfibre s’affirme. La lingerie active et sportive se démocratise. L’effet seconde peau que confèrent les soutiens-gorge sans couture, invisibles, à bonnets moulés, à bandeaux quasi transparents de la lingerie impalpable émerge.

Empreinte offre aux "poitrines généreuses" la profondeur du bonnet G, tandis qu’Aubade lance le plus petit string du monde. Gerbe obtient le label "Entreprise du Patrimoine Vivant de Cent ans et plus", décerné par le gouvernement français, récompensé pour sa culture du produit de qualité "made in France".

Les prochaines pages de l’histoire de la lingerie française seront écrites par vous. L’innovation textile continuera d’y jouer un rôle de premier plan, sachant toujours s’effacer derrière la main des créateurs, préférant servir l’auteur que d’attirer la lumière à soi.

Pourvu que l’esprit chic et libre, l’élégance toute parisienne, la French Touch qui ne s’explique pas, continuent à troubler le monde, au hasard d’un geste, d’une attitude, d’un regard, d’un "je ne sais quoi" tellement français et dont nous conserverons jalousement le secret encore longtemps.